06/01/2014

De la représentation LGBT

Hier sur twitter, j'ai lancé l'idée d'un dessin animé avec une héroïne lesbienne. Ou bie. On m'a à peu près répondu : "euh mais on s'en fout de l'orientation sexuelle du perso lol". J'aimerais bien qu'on puisse s'en foutre. J'aimerais vraiment bien. Mais tant que les personnes LGBT ne sont pas visibles, leur représentation dans la culture mainstream est importante. Elle est même politique.
En tant que pansexuelle, je fais partie des personnes sous-représentées dans les films, dans les livres, dans les chansons, dans les BD, à la télévision... Je trouve un peu plus facilement mon bonheur dans les séries, mais ce n'est pas encore la joie non plus, surtout si on parle des séries américaines bien polies, bien calibrées... en gros celles qui sont les plus vues. Même lorsqu'un personnage est bi ou pan, il m'arrive d'être déçue voire triste de ce qu'on en fait. Ce sont souvent des personnages d'arrière-plan (vous savez, ce mec bi dans Mad Men, dont tout le monde oublie le nom), ou dont on présente la sexualité de manière grossière et caricaturale, comme c'est le cas pour Brittany dans Glee par exemple. Donc c'est vrai, même si sur certains plans les choses avancent (Torchwood et Orange Is The New Black représentent de grandes avancées), je me sens encore mal représentée. Il n'y a pas et n'y aura probablement jamais dans les films la même proportion de personnes non hétéros que dans "la vraie vie". C'est la même chose pour les personnes racisées, les personnes handicapées, les personnes grosses, etc.
Et quand j'ai poussé ce coup de gueule hier sur le résal (un résal, des réseaux), plusieurs personnes hétéros m'ont demandé : En quoi c'est un problème ? Tu voudrais quoi, qu'on fasse un pourcentage ? Pourquoi tu ressens le besoin d'être représentée ? C'est pas surtout un caprice ?
Je ne veux pas qu'on compte les persos LGBTAIQ dans la culture mainstream. Ou plutôt : je voudrais qu'il n'y ait pas besoin de compter. Mais on vit dans une société où on est hétéro par défaut. Un scénariste peut très bien, en toute bonne foi (et c'est ce qui est triste), ne pas insérer de personnage non hétéro dans son histoire. Parce que quand il n'y a pas 2 personnes de même sexe qui s'embrassent devant son nez, son monde lui-même est hétéro par défaut. Et c'est un problème parce que, encore plus quand on n'est ni hétéro ni homo, on est effacé. Le cinéma se rappelle de notre sexualité quand il veut représenter un type instable (le rôle de Javier Bardem dans Skyfall) ou en transition vers une orientation "durable". Alors tant qu'on ne peut pas faire autrement, oui, on va peut être être obligé de compter. Même si ça me rend vraiment amère qu'on en soit réduit à ça.
Je ne sais pas comment vous expliquer à quel point ça m'a peinée qu'on me demande pourquoi je TENAIS à être représentée. A quel point je me suis rendu compte que vous n'aviez absolument AUCUNE idée de ce que ça fait de ne pas faire partie du groupe dominant. Evidemment que vous n'avez pas besoin de vous sentir représentés, vous avez l'embarras du choix, vous ne vous rendez plus compte que c'est un luxe que tout le monde n'a pas. C'est quelque chose que vous ne remarquez pas, qui ne vous semble pas fondamental, parce que vous l'avez toujours eu. 
Mais moi, j'ai vécu mon enfance à ne pas savoir qu'on pouvait être attiré par les garçons ET les filles. J'ai passé mon adolescence à penser que c'était rare et que c'était "un truc d'Emos pour avoir l'air dark". Il a fallu que j'attende mes 18 ans pour me rendre compte que je n'étais pas hétéro. Mes 19 ans pour prendre connaissance de l'étiquette "pansexuelle" et me l'approprier. Entre ces deux moments, tout une année à fouiner sur internet, à suivre de nouvelles personnes intéressantes sur twitter. Quand on est hétéro, on n'a pas besoin de faire ça pour savoir ce qui est différent chez soi, pourquoi on est légèrement à côté de la plaque tout le temps. Alors oui, quand j'étais petite j'aurais aimé voir des gens bis à la télé, dans les films que j'allais voir, dans les livres que je lisais par dizaines. J'aurais aimé savoir que j'étais normale. J'aurais aimé pouvoir me sentir libre de tomber amoureuse d'une fille. J'aurais aimé me rendre compte que la fille avec qui je jouais à Pokémon toute la journée en primaire était mon amoureuse et pas ma meilleure amie. Et être représentée m'aurait offert le luxe de savoir que quelque part dans le monde, des gens étaient comme moi. J'aurais eu conscience de cette partie de mon identité beaucoup plus tôt. 
Alors oui, maintenant que j'ai grandi, c'est moins grave. Mais je pense à ces gamins et ces gamines qui sont comme moi à leur âge, à qui on n'a rien expliqué, qui sauront si tard qu'ils et elles ont perdu du temps à se croire tout bonnement hétéro. Qui regretteront leurs quelques années perdues. Et je me dis qu'eux ont besoin de cette représentation LGBTAIQ pour se sentir moins paumés (et ça veut dire des personnages dont le trait de caractère principal n'est pas "il est gay lol"). 
Ce n'est pas si difficile, si ?

2 commentaires:

  1. Je dois avouer que quand j'ai cliqué sur le lien pour lire l'article, j'avais un a priori négatif. Rien de méchant, le mot mainstream ne me revient pas. Comme quoi il en faut peu pour se faire une opinion sans avoir été chercher plus avant. Mais j'ai lu ton article (parce qu'on ne se fait pas une idée sur un a priori faut pas pousser) et... bam. Oui, bam. Un peu comme une porte sur laquelle on force on force et qui finalement cède. Grâce à ton article j'ai enfin réussi à comprendre ton point de vue (et à travers toi celui d'autres) alors qu'il m'était complètement étranger auparavant sur ce sujet de la "représentation". Je faisais des personnes (muettes) qui ne voyaient pas le problème. Qui n'avaient pas d'opinion là-dessus, ni pour ni contre, pour qui c'était égal. Car tu as raison, c'est un problème auquel on n'est pas confronté lorsque l'on baigne dans une culture qui partout placarde ce qui fait partie de notre identité (sic le fait d'être hétéro dans ce cas-ci).

    Et ce qui est magique dans cet article c'est combien tu arrives à nous mettre en empathie : moi aussi j'aurais souffert de ne pas voir de jolie princesse très amoureuse de son prince ! D'être attirée par le petit Victor alors que ce n'est pas du tout ce que l'on m'avait enseigné comme faisant partie des possibles !

    Cet article mérite d'être lu et partagé, vraiment.
    Bises

    P.S : On notera quand même que dans BUFFY (meilleure série du monde et de l'univers), la meilleure amie de Buffy, Willow, personnage très important, est Bie. Buffy en force un peu hein... :D

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    1. Merci, ça me fait chaud au coeur que ça t'ait touchée. Promis, je regarderai Buffy un jour ;)

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